Bienvenue sur Alexagère

Opinions tranchées, points de vue partiaux, caricatures iconoclastes, analyses simplistes, expressions à l'emporte-pièce, conclusions hâtives...
Des avis sur tout mais surtout des avis. Taquin mais pas moqueur, écorché mais pas donneur de leçon, provocateur... De rires je l'espère.
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mardi 28 mai 2013

Les poissons pleurent

Quand j'y suis rentré ce midi j'ai tout de suite remarqué la photo du chef au-dessus du comptoir de la caisse. Ça faisait deux semaines que je n'y étais pas allé, une éternité à mon échelle, et cet élément de décoration m'a sauté aux yeux, mais pas seulement. J'ai eu peur de comprendre. J'ai compris. J'ai posé une question, fait une remarque sur la photo, en espérant me tromper. Mon copain de la caisse, qui sait très bien faire l'idiot, a joué son plus mauvais rôle. Alors à mon tour j'ai fait semblant de ne pas avoir entendu, j'ai insisté. Avec le sourire crispé de celui qui essaie de masquer le chagrin, il m'a dit "pati, pati !".

Ça fait plusieurs mois. Je pensais que ce n'était qu'un retour au Japon. Ça l'était, mais pour y rester. Les derniers temps, j'avais bien remarqué qu'il semblait fatigué. Il avait mauvaise mine. Il restait discrètement dans un coin du comptoir. Ses élèves avaient pris la relève derrière le bar. Honorant la pudeur légendaire du chef, ses équipiers n'ont rien dit. Ils ont fini par accrocher son portrait, une grande photo où il est radieux. Il sourit, il a l'air heureux dans cette rue animée de Tokyo. J'ai eu du mal à contenir une larme à la mémoire de celui qui a régalé des cohortes de gourmands pendant des années, et qui le fit avec une Humilité majuscule.

Aujourd'hui les sushis avaient un goût salé. Sans doute parce que les poissons avaient pleuré. Ce n'étaient pas des poissons d'avril. Putain de mois de mai.

dimanche 26 mai 2013

Maracon

En ce jour où les températures ont à peine atteint le Q.I. d'un supporter de football, j'ai failli céder à la tentation de faire une pause chez Angelina pendant mon jogging, pour prendre un chocolat chaud. Non, je déconne. Là où je cours, il n'y a que des arbres en bois. Et puis vous me voyez, en short, tout transpirant, m'asseoir au milieu des mémères, des copines bruncheuses et des chinoises ravies (au lit) pour absorber un truc que le premier effort venu me fera régurgiter ? Cela dit, on peut être gourmand et sportif. L'univers étant constitué d'une agrégation de paradoxes, il est amusant de constater qu'il ne vont pas toujours dans le sens que l'on croit. Par exemple, si j'évoque le chocolat ou les macarons, tout un chacun se met à saliver en pensant au créations multi-colores et mégalomaniaques de tel ou tel pâtissier. Depuis quelques années, la douceur préférée de Marie-Antoinette et de George W. Bush a envahi les étales. Surenchère exotique des parfums, associations improbables, séries limitées à la noix, on a droit à toute la panoplie marketing pour nous faire avaler n'importe quoi sous prétexte de créativité. Qu'importe, les gens (c)avalent, piétinent et se bousculent sous la pluie froide pour acheter leur dose de petits gâteaux arrondis. Alors forcément, mécaniquement, rationnellement, pour pouvoir suivre la demande, il faut trouver un truc. Et parfois, le truc, il est moche. Si l'on pointe souvent les bouis-bouis asiatiques pour leur hygiène douteuse, certaines grandes maisons des beaux quartiers ne sont pas en reste, un peu comme ces dames chics qui portent des culottes sales. Si un de ces jours vous mangez un macaron à l'anchois, ben, c'est qu'il n'était pas à l'anchois. On vous aura prévenus.

Enfin pas de panique, pour brûler toutes ces calories plus ou moins saines, on va retourner courir un peu. Entre les macarons et le marathon, il n'y a qu'une foulée de plaisir que je déroule en évoquant la durée. Pas pour vous dire que la première question qu'on me pose quand j'indique que je suis marathonien (je l'écris ici mais dans la vie je ne le dis jamais spontanément) est "Ah bon ? Tu mets combien de temps ?". Ça, St Exupéry l'a merveilleusement décrit en 1943. Plutôt pour déplorer le côté bovidement fatal qui draine chaque semaine des milliers de gens supplémentaires à s'esquinter sur le maca...dam en pratiquant cette discipline. Sport à la mode s'il en est, la course à pieds a été rattrapée par la matrice, et la voilà propulsée dans l'univers des sports pour cadres qui revendiquent leur abonnement au 36.15 Qui-n'en-veut. Et la mode, on a beau faire tous les efforts, elle courra toujours plus vite que nous.

Monsieur A.S.O, grand organisateur des événements sportifs majeurs notamment en running, l'a bien compris. Inflation indécente du prix des dossards, ajout de 10.000 dossards supplémentaires au marathon de Paris 2013 (en plus des 40.000 habituels), etc. Il se trouvera toujours un bon petit soldat pour nous expliquer que ça coûte cher à organiser, qu'"il faut bien" (j'adore cette expression, "il faut bien", je crois que c'est la plus niaise, la plus plate et la plus beauf de la langue française) répondre à la demande. Et mon cul, c'est du Pierre Hermé ? Business is business my friend, and this is a bloody good one. Mais revenons à nos moutons, vous me suivez, forcément. Le marathon évoque instantanément l'idée de souffrance. Hé bien je vais vous dire, c'est absolument justifié. Pour autant, et pour le coureur du dimanche amélioré que je suis, la course est un besoin, une évasion, un moment de défoulement et de sérénité. De plus c'est un sport facile à pratiquer, peu onéreux et quasi-illimité dans ses variations. Un peu comme les macarons en fait.

Le macaron procure un certain plaisir lorsqu'il pénètre dans notre corps, pourvu qu'il soit frais, la course procure un plaisir certain quand on arrête le chrono. Ce qui se passe au milieu, ma foi, ne regarde que notre foie.

lundi 20 mai 2013

Les clônes clowns

Paris, métro ligne 1, 18h30, station Charles de Gaulle - Etoile, attention à la marche en descendant du train. Ça me reprend, je regarde autour de moi et je ressens cette impression oppressante. Non, non, pas parce qu'on fait tous la gueule, ça c'est le fond de sauce déjà évoqué ici. Ni à cause de la foule, malgré ma démophobie aiguë (au passage, la phobie de la foule n'est pas l'agoraphobie, qui concerne les grands espaces. Je me sens très à l'aise au milieu du Sahara). Je prends peur en réalisant à quel point nous portons tous les mêmes oripeaux, stigmates d'une société anesthésiée par le sucre diabétisant d'un confort ajusté. On se ressemble tous, c'est affligeant. On se regarde, on se toise du chèche, l'air de dire, "merde on a le même, j'espérais me démarquer et me fondre en même temps, tu m'empêches de faire mon petit effet, je descends à la prochaine...". Le thème des robots du métro, il n'est pas nouveau, ce n'est pas mon propos, j'enlève mon manteau entre Argentine et Porte Maillot.

C'est le trench. C'est ça, c'est à cause du trench en fait. Vous savez, ce trench classique, trois-quarts, qui n'est pas vilain mais qui est très, trop à la mode cette année. J'ai le mien, vous pensez ! On a tous le même, surtout.  Le trench encore, ça va, même si l'imper a tort. Le pire je crois, c'est le casque Beats by Dr Dre. Séguéla, c'est la Rolex, le cadre moyen, c'est le Beats. T'as pas ton Dre dans le métro, t'es un prolo. Double détente, dans le métro y'a pas que des cadres, mais y'a que des gens avec des casques. Dis-moi la marque du tien, je te dirai qui tu es. Peu importe d'ailleurs, du moment qu'il te sert de prétexte pour te couper du monde, parfait instrument d'auto-conditionnement qu'il est. Et ainsi de suite, des pieds du voisin aux talons de la voisine. Quant au week-end, il laisse place aux hoodies de toutes sortes assortis aux RC400 multicolores, nous voilà perroquets urbains.

Est-ce par paresse, par manque de temps, par mimétisme social ? Est-ce par peur de l'être que nous devenons de risibles copiés/collés ? Ou parce que derrière l'illusion du choix, il n'y en a aucun ? It's all too much chantait Joe Jackson en 1991. L'habit ne fait pas le moine paraît-il. Mais à n'en pas douter, il fait le monastère. Entre uniforme et uniformité, il n'y a que quelques lambeaux que tisse la matrice de la mode. Elle est vieille comme l'humanité, elle est affaire de culture, c'est un fait. Et ce n'est pas moi qui cracherai dessus ! Mais comme à peu près tout le reste, elle subit l'accélération consumériste qui en démultiplie le braquet. Les pollens (peaux, laines) d'Abercrombie & Fitch ont essaimé partout et font de nous des organismes gustativement modifiés... Et heureux de l'être. Pour faire taire le critère budgétaire, Zara est arrivé.

Wall-E, qui dépasse largement le cadre du dessin animé pour enfants, figure les humains en êtres grassouillets, incapables de se mouvoir sans assistance, les yeux rivés sur leur écran, cliquant selon les suggestions d'une voix-off qui leur dicte la mode, cette année, c'est le rouge. Celui qui me dit que c'est pas nous, je lui offre un labrador.
 
Je suis content de savoir que le polo que mes deux cents voisins métropolitains et moi avons acheté et porterons 2 mois a survécu à la petite bangladaise qui, elle, n'avait pas d'airbag quand son immeuble lui est tombé sur la gueule. Je me garderai toutefois de vous fredonner le blues du bobo qui culpabilise. J'assume et comme le bouton du haut de mon polo, la mienne, de gueule, reste toujours ouverte.

Comble de l'ironie, la matrice rattrape ceux qui réagissent en voulant se démarquer. Rusée, elle a déjà prévu leur accoutrement sur l'échiquier des codes. Quelques fripes, des baskets, un foulard dans les cheveux pour faire bohème et le tour est joué, je suis déguisé en "j'emmerde les bourgeois !" et ZAZ est mon icône. Que serait Guignol sans Gnafron ?

Comment être soi-même alors, sur quelques centimètres carrés de schmattes ? Comment réussir cet exercice de funambulisme sur un fil de coton ? S'écouter quand tant de voix-off tentent de prendre la main sur notre libre-arbitre, de nous formater jusque dans le moindre recoin de notre BIOS textile ? La réponse est peut-être dans la sobriété, celle des saltimbanques qui s'habillent de noir pour nous concentrer sur l'essentiel. Le blanc c'est moins efficace. Avec une chemise blanche comme unique tenue je ferais sans doute penser à Bernard-Henri Lévy bien avant d'évoquer Gandhi, même si je suis certain qu'elle serait fabriquée en Inde.

jeudi 16 mai 2013

Tabous à bout

Ca y est !  Ca y est ! Ils l'ont dit, ils ont dit le mot, craché la Valda ! Ce mot que personne n'avait le droit de prononcer, sauf Claire Chazal dans son JTF1, avec ce sourire jocondescendant qu'elle arbore à chaque fois qu'elle nous annonce une misère, c'est-à-dire à chaque fois. La France est en récession. Ré-ce-ssion ! Ah, le vilain mot ! Il s'est faufilé, il a bousculé le petit doigt avec lequel nos élites essayaient de le cacher depuis si longtemps. Ca fait 30 ans qu'elle est en crise la France (sauf deux éclaircies : 1996-2000 et 2003-2008), mais on était tenu à l'omerta, assis sur la cocotte-minute où mijote notre PIB. En fait, nous, en France, on avait un pouvoir magique, on était protégé par notre super héros, Jacky Sossio,  pourfendeur des méchantes agences de notation qui faisaient rien qu'à rôder autour de notre AAA et dire du mal de la gestion de notre déficit. La récession, ça n'arrivait qu'aux autres. Un grec par ci, un espagnol par là, et vlan ! L'INSEE, on ne l'entend pas souvent, mais là on a encore des acouphènes.

Est-ce le signe d'un infléchissement dans la courbe de l'orgueil ?  D'une prise de conscience résignée ? Une hirondelle ne fait pas le printemps, enfin... Un vautour ne fait pas la carcasse. Cependant au détour de cette mauvaise nouvelle en forme de faux scoop, on sent que les lignes bougent petit à petit dans la culture et le discours de ce pays qui ressemble tant à Gloria Swanson dans Sunset Boulevard, coincée dans ses certitudes comme un marron dans le cul d'une dinde. A fortiori, on a vu quelques brèches s'ouvrir dans sa relation à l'économie. Nan, ce n'est pas parce que Montebourg essaie de défoncer le bureau de Moscovici à Bercy. C'est parce qu'on dit par exemple que l'argent est un tabou pour les français. C'est vrai ! Pourtant plusieurs enquêtes récentes ont montré que beaucoup de gens parlent librement de leur salaire et de leur patrimoine. Sont-ce des OGM ? Non, juste des français normaux, provenant en majorité des CSP moyennes. Seuls les riches rechignent encore à évoquer ce que 250 ans de culpabilité injectée à haute dose de crachats ont rendu inavouable. Dans un pays où être riche est une maladie honteuse, ils sont bien atteints, et en plus il y en a qui restent ! Prenez garde, ils risquent de nous contaminer !

Tant de tabous mis bout-à-bout, ça ne tient pas debout, et des tabous prêts à tomber, il y en a encore beaucoup qui attendent dans le placard. Je vous en offre un, à propos de placard. Un professionnel du recrutement, et pas des moindres, m'a appris des choses édifiantes il y a quelques mois. Il a été chasseur de têtes dans un cabinet réputé. Il m'a raconté qu'au cours de ses années de pratique, il n'a jamais été confronté à la discrimination pour raisons de couleur, de sexe, de taille (je n'ai pas dit de taille de sexe hein, vous suivez ?), ni d'origine ou quoi que ce soit de ce genre. "Ça, c'est des trucs pour les journalistes" (sic). Et ce quel que soit le type de poste, des plus juniors aux plus élevés. Mais il est une discrimination, véritable, sournoise, insidieuse qu'il a décelé à plusieurs reprises : celle de l'âge. Elle est là et bien là, comme la récession. Et comme pour la récession, il est de bon ton de ne pas en parler. Ne pas parler du problème = il n'y a pas de problème = équation française. Frères cadres, en vérité, je vous le dis : le VRAI âge de la retraite, c'est 42 ans, dixit. C'est le point de non retour au-delà duquel tout salarié dépasse la DLC et à partir duquel son bureau commence à sentir le sapin. Vous doutez ? Regardez autour de vous et dites moi si Alexagère. "Je crois que ça va pas être possible, vous comprenez, l'équipe a une moyenne d'âge de 35 ans..." ; "il/elle risque de s'ennuyer dans le poste..." ; "on a besoin de quelqu'un de dynamique", etc, etc. Toutes les excuses bidons et caricaturales sont passées entre les oreilles de cet expert quand il a présenté des candidats sérieux et compétents qui convenaient très bien pour les postes concernés. Mais le paradigme, assumé en rien par les entreprises clientes, est le plus fort, et il se résume à ça : trop vieux, trop cher. C'est faire peu de cas de la valeur que les quadras génèrent... Si la crise est une réalité, elle a bon dos quand certains décident de tirer la chasse sur les talents expérimentés.

Ne soyons pas béni-oui-oui : des quadras et des quinquas tocards, ça existe aussi. Mais dans ce cas, le temps ne fait rien à l'affaire. Il faut également préciser que le terrain était propice à cette purification aetatique à cause des mesures, prises par temps calme, pour inciter les salariés à partir avant l'échéance de la retraite. Ce phénomène a augmenté le dosage de vaseline sur les contrats de travail. "T'as un CDI ? Mais on n'avait pas dit Jacques a dit !". Enfin...Ne nous plaignons pas : la vie n'est-elle pas un CDD ?

jeudi 9 mai 2013

Les mystères de l'oued


C’est une tradition aussi vieille que l’objet le plus précieux des ménages américains (juste après le fusil d’assaut). Les feuilletons font partie de l’ADN télévisuel outre-atlantique. Et c’est devenu depuis les années 1990 un fonds de commerce très juteux. Adieu Dallas, Têtes Brûlées et Dynastie ! A l’instar de Friends, de nouvelles générations de séries ont inondé les écrans aussi promptement que le MON 810 a envahi nos champs. X-Files, Grey’s Anatomy, Desperate Housewives, Sex & the City, Dr House etc. ont emboîté le pas, et le téléspectateur. Une surenchère d’imagination qui pourrait être stimulante si elle ne générait pas des concepts foireux ou éculés (Work it, Supernatural pour ne prendre que ces exemples parfaitement subjectifs, mais vous savez où vous avez mis la souris).

Je dois tout de même reconnaître deux choses. En premier lieu, la créativité de ceux qui inventent les aventures tantôt familières, tantôt improbables, de ces héros ou anti-héros de choix. Dans ce registre les américains sont imbattables, c’est un mystère de l’ouest. Des ménagères désespérées, un limier hypnotiseur, des chirurgiens esthétiques psychopathes (furent-ils inspirés par le sinistre « Docteur » Michel Maure ?), il faut leur accorder cette capacité à rendre attractif n’importe quel concept. Pendant qu’ils fabriquent des dizaines de Patrick Jane, de batailles galactiques et de tueuses de vampires, nous attention, on a Navarro (ça rime avec ligne Maginot) et Julie Lescaut (aussi). Deuxièmement, distinguons les séries des sitcoms, même si la frontière est parfois poreuse, car il ne faut pas tout mettre dans le même sac poubelle, c'est ce qui s'appelle du tri sélectif.

Mais la créativité anglo-saxonne est toujours la figure de proue d’une flotte industrielle qui se déploie sur les océans de plasma, emmenée par des régiments de moussaillons scénaristes. Prenez l’exemple que vous voulez, ça marche à tous les coups : un personnage central ou un groupe, des faire-valoir, un cadre, des péripéties récurrentes. Jusqu’ici tout va bien. Vous regardez le pilote, vous avez saisi ce qui va se passer pendant 180 épisodes. Car si la mayonnaise prend, on va nous remplir la coupe jusqu’à la lie même si l’idée de départ est éphémère. Par un mystère de l’oued cérébral, le téléspectateur accroche. On connaît tous le déroulement d’un épisode de Columbo (dont, pour le coup, l’idée originale était révolutionnaire puisqu’elle cassait le canon christien dont Scoobi-Doo est un digne représentant). Pourtant on reste accroché, saison après saison, même 30 ans après, car ce que l’on regarde, c’est plus les mimiques du héros que l’intrigue qui leur sert de prétexte. Mais n’est pas Columbo, ni Peter Falk, qui veut.

24 Heures Chrono ? Ok, rien à dire, concept addictif et montage original, bonne adrénaline. Une saison, le tour du cadran, le tour est joué. Mais faut-il vraiment faire subir à ce pauvre Jack Bauer huit saisons qui portent le rocambolesque jusqu’au ridicule ? Idem, une fois qu’on a vu le cynisme provocateur, politiquement incorrect et répétitif du Dr House, on a compris comment ça marche. Et on a digéré instantanément. Pourtant il va falloir s’en palucher huit saisons, avec un jus de scénario de plus en plus fade jusqu’à ce que l’acteur principal soit recyclé en matériau musical ou cinématographique. Une série télé US, c’est un film en sirop. Diluez avec sept saisons de flotte et ça désaltère les soirées inoccupées. Tant qu’il reste du liquide on distille jusqu'à l'acharnement cathodique. Ça vous a plu, vous en voulez encore ? Pas de problème, une série chasse l'autre au rythme des rames de RER à 18h. Ce qui compte c’est de remplir l’espace, comme dirait le Capitaine Kirk. Comme si ça ne suffisait pas, nombre de séries à succès ont ainsi servi de prétexte à un film... Et inversement (Stargate). C'est à se demander si Le Prisonnier était un feuilleton ou un miroir...

Je sais, vous allez me dire « mais personne ne t’oblige à regarder, tu n’as qu’à éteindre ta télé ! ». Ça tombe bien, c’est ce que je fais. Peut-être aussi est-ce par réaction à la fébrilité hypnotique avec laquelle beaucoup de mes congénères semblent devenus drogués par ces novelas distribuées comme du chewing-gum câblé accablant, à en croire la détresse dont ils font preuve quand la saison en cours vient à se terminer.

Voilà un sujet de conversation absolument fabuleux, servi sur un plateau (de tournage) pour les dîners ! Si t’as pas vu le dernier épisode de la dernière saison de [mettez le nom de série que vous voulez], t’es un ringard. Le comble du snobisme n’est-il pas d’accéder avant tout le monde à la prochaine saison !? Moi je dirais plutôt que c’est de la bouder.

On a tous grandi avec des séries télévisées. Elles font partie de notre patrimoine collectif et individuel, et c’est tant mieux. Mais comme toujours, l’excès perturbe la nature, et le tsunami de séries depuis 15 ans vire au n’importe quoi. Une offre pléthorique pour un niveau d’entertainment rachitique. Et puis ça fait doublon : il suffit de regarder CNN, vous avez à la fois les Simpson et 24 Heures Chrono…

dimanche 5 mai 2013

Ca va se détendre

Comme un fil rouge, j'alimente régulièrement ces chroniques avec des expressions à la con qui jalonnent notre quotidien. Vous savez, ces expressions creuses comme des spéciales d'Oléron, qui ne veulent rien dire, qui ne servent qu'à meubler l'embarras de ceux qui préfèrent une banalité intrusive à un silence intelligent. Le genre « c’est pas évident » (prononcer « c’est pô évident » pour sonner comme ma boulangère, qui est aussi aimable qu’un Panzer Tiger V, cette conne).

Parmi ces pépites de stupidité pavlovienne, il y a un idiome que vous avez forcément entendu si vous avez acheté des vêtements une fois dans votre vie. Donc, vous l'avez forcément entendu. Ce fameux… "Ça va se détendre"... Essayez un jean, des chaussures, un manteau, des gants, vous y aurez droit, aussi sûr que Louis XVI eut le droit de se regarder la nuque sans utiliser de miroir. Je me demande d’ailleurs si le bourreau, au moment de lui bloquer la tête dans la lunette, lui dit « ne vous inquiétez pas Majesté, ça va se détendre ! ».

Vous êtes bien, le produit vous plaît, ça vous va quoi qu’un peu serré, mais il faut assumer le skinny, et vous sentez que ça va tomber. Aussi fatale et mécanique que la lame sus-évoquée, cette phrase, cette sentence débile prononcée par une engeance fébrile à l’idée de vous vendre sa fripe, fuse. La connerie est comme cyclone : on sait la prévoir, on ne peut pas l’empêcher d’arriver, et elle fait des dégâts énormes. Et comme dans un cyclone, l’œil d'un con est une zone creuse et plate (décidément, c'est ma journée huîtres). Heureusement, dans le cas qui nous occupe, la chose qui sert de vendeur/vendeuse est une petite brise de mer. Par effet pavlovien toujours, vous entrez en mode action/réaction et vous sentez le Bigard monter en vous. La contre-mesure « Sans blague, CONNARD ! » arrive immédiatement et votre bouche n’attend que l’ordre de s’ouvrir pour tirer. Mais une zone plus diplomatique de votre cerveau préfère rappeler à l’intéressé(e) qu’en 30 ans d’expérience, vous avez toujours vu vos jeans rétrécir au premier lavage, et pas l’inverse.

J'ai acheté un jean l'autre jour. J'ai pris du 32 plutôt que le 31 conseillé, parce que hein, on ne me la fait pas. En rentrant le soir, je l'essaie à nouveau en regardant le journal télévisé. Il avait une taille de trop ! Ô orgueil, qu'as-tu fait de moi  ! 


En voyant le spectacle navrant de ce pauvre président dans un costume d’homme d’Etat trop grand pour lui, je n'ai pu contenir un « allez va, t’inquiète pas, ça va se détendre ! ». 

Dans un prochain billet, nous verrons comment au bout de 20 ans de pratique de téléphone portable, une majorité d’utilisateurs continue de dire "Ça a coupé" après une interruption. "Ah bon ? Ben non, en fait, je t'ai raccroché au nez juste histoire de me détendre !". Désormais donc, ne dites plus "ça a coupé", mais "putain d'iPhone !".