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Des avis sur tout mais surtout des avis. Taquin mais pas moqueur, écorché mais pas donneur de leçon, provocateur... De rires je l'espère.
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lundi 20 mai 2013

Les clônes clowns

Paris, métro ligne 1, 18h30, station Charles de Gaulle - Etoile, attention à la marche en descendant du train. Ça me reprend, je regarde autour de moi et je ressens cette impression oppressante. Non, non, pas parce qu'on fait tous la gueule, ça c'est le fond de sauce déjà évoqué ici. Ni à cause de la foule, malgré ma démophobie aiguë (au passage, la phobie de la foule n'est pas l'agoraphobie, qui concerne les grands espaces. Je me sens très à l'aise au milieu du Sahara). Je prends peur en réalisant à quel point nous portons tous les mêmes oripeaux, stigmates d'une société anesthésiée par le sucre diabétisant d'un confort ajusté. On se ressemble tous, c'est affligeant. On se regarde, on se toise du chèche, l'air de dire, "merde on a le même, j'espérais me démarquer et me fondre en même temps, tu m'empêches de faire mon petit effet, je descends à la prochaine...". Le thème des robots du métro, il n'est pas nouveau, ce n'est pas mon propos, j'enlève mon manteau entre Argentine et Porte Maillot.

C'est le trench. C'est ça, c'est à cause du trench en fait. Vous savez, ce trench classique, trois-quarts, qui n'est pas vilain mais qui est très, trop à la mode cette année. J'ai le mien, vous pensez ! On a tous le même, surtout.  Le trench encore, ça va, même si l'imper a tort. Le pire je crois, c'est le casque Beats by Dr Dre. Séguéla, c'est la Rolex, le cadre moyen, c'est le Beats. T'as pas ton Dre dans le métro, t'es un prolo. Double détente, dans le métro y'a pas que des cadres, mais y'a que des gens avec des casques. Dis-moi la marque du tien, je te dirai qui tu es. Peu importe d'ailleurs, du moment qu'il te sert de prétexte pour te couper du monde, parfait instrument d'auto-conditionnement qu'il est. Et ainsi de suite, des pieds du voisin aux talons de la voisine. Quant au week-end, il laisse place aux hoodies de toutes sortes assortis aux RC400 multicolores, nous voilà perroquets urbains.

Est-ce par paresse, par manque de temps, par mimétisme social ? Est-ce par peur de l'être que nous devenons de risibles copiés/collés ? Ou parce que derrière l'illusion du choix, il n'y en a aucun ? It's all too much chantait Joe Jackson en 1991. L'habit ne fait pas le moine paraît-il. Mais à n'en pas douter, il fait le monastère. Entre uniforme et uniformité, il n'y a que quelques lambeaux que tisse la matrice de la mode. Elle est vieille comme l'humanité, elle est affaire de culture, c'est un fait. Et ce n'est pas moi qui cracherai dessus ! Mais comme à peu près tout le reste, elle subit l'accélération consumériste qui en démultiplie le braquet. Les pollens (peaux, laines) d'Abercrombie & Fitch ont essaimé partout et font de nous des organismes gustativement modifiés... Et heureux de l'être. Pour faire taire le critère budgétaire, Zara est arrivé.

Wall-E, qui dépasse largement le cadre du dessin animé pour enfants, figure les humains en êtres grassouillets, incapables de se mouvoir sans assistance, les yeux rivés sur leur écran, cliquant selon les suggestions d'une voix-off qui leur dicte la mode, cette année, c'est le rouge. Celui qui me dit que c'est pas nous, je lui offre un labrador.
 
Je suis content de savoir que le polo que mes deux cents voisins métropolitains et moi avons acheté et porterons 2 mois a survécu à la petite bangladaise qui, elle, n'avait pas d'airbag quand son immeuble lui est tombé sur la gueule. Je me garderai toutefois de vous fredonner le blues du bobo qui culpabilise. J'assume et comme le bouton du haut de mon polo, la mienne, de gueule, reste toujours ouverte.

Comble de l'ironie, la matrice rattrape ceux qui réagissent en voulant se démarquer. Rusée, elle a déjà prévu leur accoutrement sur l'échiquier des codes. Quelques fripes, des baskets, un foulard dans les cheveux pour faire bohème et le tour est joué, je suis déguisé en "j'emmerde les bourgeois !" et ZAZ est mon icône. Que serait Guignol sans Gnafron ?

Comment être soi-même alors, sur quelques centimètres carrés de schmattes ? Comment réussir cet exercice de funambulisme sur un fil de coton ? S'écouter quand tant de voix-off tentent de prendre la main sur notre libre-arbitre, de nous formater jusque dans le moindre recoin de notre BIOS textile ? La réponse est peut-être dans la sobriété, celle des saltimbanques qui s'habillent de noir pour nous concentrer sur l'essentiel. Le blanc c'est moins efficace. Avec une chemise blanche comme unique tenue je ferais sans doute penser à Bernard-Henri Lévy bien avant d'évoquer Gandhi, même si je suis certain qu'elle serait fabriquée en Inde.

3 commentaires:

  1. Ca me fait penser à un film inconnu en France: Idiocracy

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  2. Fréquemment confondue avec l'agoraphobie, l'ochlophobie n'a pourtant rien à voir, les ochlophobes préfèrent justement les grands espaces afin de moins ressentir le « poids » qu'ils ressentent face à une foule. Si l'agoraphobe peut avoir peur de la foule en tant que masse (en lien avec l'espace), l'ochlophobe voit dans la foule une densité ou une compression, voire une oppression (également, parfois, dans la peur du regard d'autrui). Dans ce sens, cette phobie se rapproche plus de la claustrophobie que de l'agoraphobie.
    Signé: Wikipedia :)

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  3. La dernière fois que je suis "montée" à Paris, j'ai ressenti cruellement mon statut de provinciale, quand j'ai constaté qu'en entrant dans le metro, je ne dégainais pas mon smartphone (j'en ai pas... ceci dit, on en a, en Province, des smartphones, hein ! mais pas moi...) pour pianoter frénétiquement ; pire : je regardais mes voisins... Ancienne Parisienne, je savais tout de même qu'il n'était pas de bon ton de claironner un "BONJOUR !!!" en entrant dans la rame, mais tout de même... Je n'avais prévu ni smartphone, ni casque.

    J'ai sorti mon bouquin, quelques voyageurs ont relevé la tête pour me regarder d'un air surpris, j'ai fait un sourire gêné, ils ont vite baissé les yeux : un livre ET un sourire, et puis quoi encore ???

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