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mardi 28 mai 2013

Les poissons pleurent

Quand j'y suis rentré ce midi j'ai tout de suite remarqué la photo du chef au-dessus du comptoir de la caisse. Ça faisait deux semaines que je n'y étais pas allé, une éternité à mon échelle, et cet élément de décoration m'a sauté aux yeux, mais pas seulement. J'ai eu peur de comprendre. J'ai compris. J'ai posé une question, fait une remarque sur la photo, en espérant me tromper. Mon copain de la caisse, qui sait très bien faire l'idiot, a joué son plus mauvais rôle. Alors à mon tour j'ai fait semblant de ne pas avoir entendu, j'ai insisté. Avec le sourire crispé de celui qui essaie de masquer le chagrin, il m'a dit "pati, pati !".

Ça fait plusieurs mois. Je pensais que ce n'était qu'un retour au Japon. Ça l'était, mais pour y rester. Les derniers temps, j'avais bien remarqué qu'il semblait fatigué. Il avait mauvaise mine. Il restait discrètement dans un coin du comptoir. Ses élèves avaient pris la relève derrière le bar. Honorant la pudeur légendaire du chef, ses équipiers n'ont rien dit. Ils ont fini par accrocher son portrait, une grande photo où il est radieux. Il sourit, il a l'air heureux dans cette rue animée de Tokyo. J'ai eu du mal à contenir une larme à la mémoire de celui qui a régalé des cohortes de gourmands pendant des années, et qui le fit avec une Humilité majuscule.

Aujourd'hui les sushis avaient un goût salé. Sans doute parce que les poissons avaient pleuré. Ce n'étaient pas des poissons d'avril. Putain de mois de mai.

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