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dimanche 8 septembre 2013

Six semaines sous un rocher

Ce n'est pas la star des créatures dites intelligentes, dont je suis de plus en plus tenté d'exclure les hommes, mais un animal que j'ai longtemps apprécié autour d'un barbecue. Deux yeux, 3 cœurs, 8 tentacules, 9 cerveaux et pas de squelette. Je suis, je suis... Le poulpe ! De vieilles traditions imbéciles persistent à le rendre tantôt synonyme de terreur, relégué au même rôle que le charcharodon qui pourtant ne mange qu'un surfeur par mois, tantôt icône de la mafia. Sans oublier Paul le poulpe et Jules Verne, qui ont fini de le ridiculiser et d'agrandir le trou dans le déficit de son image.

Je vous accorde qu'il n'incite pas au baiser. Et pourtant ! S'il y a des hommes-grenouilles dans la salle ils savent à quel point le monde hyperbare est porteur de grâce. L'observation régulière de ce céphalopode au cours de plusieurs plongées, puis la vision d'un superbe documentaire dans Thalassa, m'ont ému et ont alimenté cette boucle infinie qu'est le questionnement sur la définition de l'intelligence. J'avais envie de le partager ici.

Le film nous apprend que les poulpes ne se reproduisent qu'une fois dans leur vie, et que la mère se sacrifie pour protéger et ventiler sa progéniture pendant les six semaines d'incubation. Elles attend que les bébés sortent de leur œuf pour se laisser mourir. Le petit poulpe aussi naissant qu'orphelin repart donc à zéro, n'ayant aucun parent pour lui transmettre les bases de la vie et lui expliquer qu'un mérou plus gros que lui, ça fait mal. Tout au long de son existence, il utilise donc son potentiel cognitif comparable à celui de l'être humain pour apprendre. Et il y parvient haut la main si l'on en croit les résultats des nombreuses expériences scientifiques sur le sujet. Le sort de la maman poulpe est une belle leçon d'abnégation, de don de soi pour la survie de l'espèce. Une belle leçon que nous nous garderons d'amener sur le terrain de la morale, mais elle en dit long sur notre capacité à gaspiller.

Nous avons la chance d'hériter du savoir des générations précédentes. Nous avons atteint un degré de sophistication technologique qui nous pousse à nous regarder le nombril numérique, à nous gargariser d'avoir inventé le big data et sa cohorte de péta-octets. Et pourtant, de génocide en génocide, l'homme ne sait plus quoi inventer pour accélérer l'extinction de la sienne, d'espèce : bombe H, Mediator, G20, Big Mac. Pour un euro de plus, je vous offre une GoPro pour tout filmer. Ne soyons pas naïfs, les canons de la géopolitique sont fumants d'amnésie lorsqu'il s'agit de monopoliser les ressources rares de la planète. Et puis, épuisés, les vieux schnocks qui possèdent les fonds d'investissement qui possèdent les multinationales qui possèdent vous et moi sont beaucoup plus préoccupés par la panne de leur voiturette de golf - déambulateur le plus en vogue à Miami, où il y a également beaucoup de poulpes dans les marinas - que de transmettre le savoir aux générations suivantes.

Entre un animal aussi pacifique qu'atlantique, qui ne peut capitaliser sur sa mémoire transgénérationnelle, et un animal d'orgueil qui a tous les moyens de retenir les leçons du passé mais qui balance le devoir de mémoire dans les charniers débordants de cadavres, j'hésite. Comment les départager ? Voyons, si l'octopus est victime du bug d'héritage qui fait de lui une sorte de Sisyphe des mers, il a gagné le pouvoir de mimétisme. Je n'ai pas encore croisé un poulpe qui en déteste un autre parce qu'il est noir, jaune, rouge, qu'il a le tentacule circoncis ou qu'il a traversé la mer Méditerranée. Alors, je vote poulpe, j'aurai moins de coulpe.

Il n'y a qu'une chose qui m'ennuie avec le poulpe. C'est que c'est quand même vachement bon en salade, avec un verre de retsina.

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